RÉGENT D'ÉCOLE
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RÉGENT D'ÉCOLE
Bonjour,
Je vous propose un article sur les régents d'école dont un fut l'ascendant de mon mari en Saintonge. Ce qui suit concerne les régents d'école du Languedoc.
Régences et régents en pays d'écoles
Les diocèses concernés appartiennent aux pays qui formeront l'actuel département de l'Aude. Ils partagent avec l'ensemble de la province un même schéma d'implantation scolaire tout en échappant à la variable religieuse, le protestantisme en étant totalement absent. Les écoles y forment un réseau serré le long de l'axe routier principal entre Narbonne et Castelnaudary. Elles s'étendent dans les plaines vers Limoux, en Lauragais et jusqu'aux confins du Bas-Razès. En revanche, les hauteurs orientales des Pyrénées audoises, les monts des Corbières et les collines du Razès apparaissent en blanc sur la carte. Communautés peu peuplées, habitat relativement dispersé, étroitesse des terres labourables et rigueurs du climat vont de pair avec un relief accidenté qui défie l'établissement de voies de communication permettant une ouverture de ces régions vers l'extérieur. Nul mystère, donc, dans l'inégale répartition des impositions scolaires : la pauvreté ou la relative aisance des communautés jouent un rôle déterminant. Pour vérifier une corrélation presque parfaite il suffit de comparer la carte des dépenses ordinaires des communautés à celle des sommes allouées aux écoles de garçons.
Dans le diocèse de Narbonne, l'école est une institution ancienne dans les plus gros villages. A l'exception des Corbières, montagnes pauvres, elle s'implante rapidement dans les communautés moins importantes, après 1720. Grâce à la copie de la liste des régents en poste dans une soixantaine de paroisses, laissée par un archiviste méticuleux, nous connaissons le nom des maîtres successifs et la durée de leurs fonctions entre 1729 et la Révolution. Précieuses indications qui rendent possible l'approche statistique d'une situation scolaire.
Si l'on désigne ainsi chaque période pendant laquelle un même régent a exercé l'enseignement élémentaire dans une même communauté, la régence devient l'objet d'observation privilégié, ou plutôt la succession des régences telle qu'elle peut être reconstituée.
Il apparaît tout d'abord que les périodes courtes, moins de cinq années, et même très courtes, une année seulement, dominent, quelles que soient les communautés considérées. Certes les plus riches, qui sont aussi les plus peuplées, se distinguent des moins favorisées. Elles sont les seules ou presque à accueillir des maîtres pour des périodes de très longue durée, plusieurs dizaines d'années dans certains cas. Mais cette stabilité, si elle ne concerne pas les plus pauvres, n'est pas induite absolument par une relative richesse comme le montre l'alternance des régences dans douze communautés du diocèse. Des trois plus riches, Bize est la seule à présenter une grande stabilité scolaire, alors qu'Ouveillan et Ginestas connaissent un renouvellement rapide de leur personnel. Argelliers et Saint-Nazaire, villages moyens, offrent eux aussi un contraste saisissant.
Bien que nous soyons en pays "scolarisé", de courtes interruptions restent assez fréquentes, comme pour nous rappeler que l'institution est bien ancrée mais fragile et ne résiste que difficilement à un événement imprévu ou dramatique, tel que la perte de la récolte ou un conflit violent. Récupérer pour une année ou deux l'imposition normalement destinée à financer l'école est une tentation à laquelle il est difficile de résister en période de crise. L'enseignement ne disparaît pas dans tous les cas : le presbytère ou une école voisine peuvent offrir une solution provisoire. L'autre fait remarquable est le retour périodique d'un même régent dans des communautés où il semble avoir ses habitudes :
"Quelques communes, en petit nombre, gardaient longtemps leur régent. Mais le plus grand nombre changeaient très souvent de maître d'école. Quelquefois une commune employait jusqu'à trois ou quatre régents en une année ; dans ces circonstances, le curé se chargeait de la régence jusqu'à la prochaine fête de là Saint-Jean. Faut-il pour cela tirer cette conséquence que le personnel des régents était très nombreux ? Nous ne le pensons pas. Les mille titulaires qui ont rempli les postes de régent dans les diverses communes du diocèse pendant le XVe siècle se réduisent à moins de cinq cents, si on considère que la même personne dans sa vie souvent longue de maître d'école a rempli ses fonctions dans plusieurs communes. En parcourant cette longue liste de régents, on verra souvent figurer les mêmes noms semblables au Juif errant de la légende (ils) vont de village en village porter à de nouveaux écoliers les éléments de leur science pédagogique. Pendant trois quarts de siècle, environ quarante régents ont occupé 261 postes, plus du quart du total général"
.L'observation est juste, bien que les chiffres soient approximatifs. Quant à l'assimilation du régent au Juif errant allant de village en village, c'est un lieu commun dans l'histoire de l'école telle qu'on l'écrivait à la fin du 19e siècle. Il néglige deux faits majeurs dans notre exemple : le grand nombre de régents occasionnels qui exercent quelque temps puis disparaissent à jamais et l'incertitude quant au profil de ces "errants" que l'on crédite ou débite sans preuve d'une "science pédagogique".
La logique d'une approche statistique doit toutefois être poussée jusqu'à son terme. Si la "spécialisation" est retenue comme principe pertinent de classification des personnels observés, nos sources nous permettent de la déterminer suivant deux critères. Le premier est lié à la durée de la régence, en admettant que plus elle est longue, plus celui qui l'exerce se spécialise. Le second critère est constitué par le nombre de communautés visitées, en admettant que la mobilité qualifie aussi le spécialiste. La patiente reconstitution des carrières de cinq cent trente-sept individus ayant exercé dans soixante-neuf communautés différentes entre 1729 et 1789 nous autorise à tenter un classement significatif.
Dans les rangs des "spécialistes" prennent place des régents stables ayant exercé pendant plus de cinq années en un même lieu. Les régents très mobiles les y rejoignent selon nos critères ; ils ont exercé dans au moins trois villages différents. Des régents mobiles alliant durée et mobilité sont aussi qualifiés ; ils ont exercé pendant plus de cinq années, en deux ou trois fois, en un même lieu ou en des lieux différents.
Les "occasionnels" sont définis par l'absence de ces conditions, qu'ils soient des maîtres provisoires, disparaissant des archives après quelques mois, au bout de deux années tout au plus, ou bien des régents temporaires, ayant exercé pendant cinq années au maximum en un ou deux lieux. Le tableau ainsi obtenu bouscule l'image traditionnelle du maître d'école itinérant.
Toutes catégories confondues, les régents "spécialisés" représentent à peine un peu plus du quart des individus, les "errants" correspondant à quinze régents sur cent seulement. Prenons garde toutefois à l'illusion statistique : si les spécialistes ne représentent que le quart des effectifs, ils ont exercé pendant les trois quarts des années scolaires. Un enfant du Narbonnais avait donc, théoriquement, sept chances sur dix d'apprendre à lire et à écrire sous la férule d'un maître d'école "professionnel" même s'il avait aussi de fortes chances d'en connaître plusieurs, et parmi eux, nombre d'occasionnels.
Les spécialistes, par définition, sont les seuls à accomplir de longues carrières, les régents très mobiles s'attribuant la majorité d'entre elles (59 % de l'ensemble des 41 carrières de 2 à 20 ans et des 29 carrières de plus de 20 ans, contre 18 % pour les régents mobiles et 23 % pour les régents stables). Mais ils prennent aussi leur part des périodes très brèves qui ne sont nullement réservées aux régents provisoires : sur 438 régences de 1 an ou moins, 42 % sont exercées par des régents provisoires, 14 % par des régents temporaires, 5 % par des régents mobiles et 39 % par des régents très mobiles. Le recrutement provisoire ou de courte durée fait donc partie intégrante de ce système scolaire, tout comme la rotation des régents et l'alternance des "spécialistes" et des "occasionnels".
Amitiés de Normandie.
Suzanne.
Je vous propose un article sur les régents d'école dont un fut l'ascendant de mon mari en Saintonge. Ce qui suit concerne les régents d'école du Languedoc.
Régences et régents en pays d'écoles
Les diocèses concernés appartiennent aux pays qui formeront l'actuel département de l'Aude. Ils partagent avec l'ensemble de la province un même schéma d'implantation scolaire tout en échappant à la variable religieuse, le protestantisme en étant totalement absent. Les écoles y forment un réseau serré le long de l'axe routier principal entre Narbonne et Castelnaudary. Elles s'étendent dans les plaines vers Limoux, en Lauragais et jusqu'aux confins du Bas-Razès. En revanche, les hauteurs orientales des Pyrénées audoises, les monts des Corbières et les collines du Razès apparaissent en blanc sur la carte. Communautés peu peuplées, habitat relativement dispersé, étroitesse des terres labourables et rigueurs du climat vont de pair avec un relief accidenté qui défie l'établissement de voies de communication permettant une ouverture de ces régions vers l'extérieur. Nul mystère, donc, dans l'inégale répartition des impositions scolaires : la pauvreté ou la relative aisance des communautés jouent un rôle déterminant. Pour vérifier une corrélation presque parfaite il suffit de comparer la carte des dépenses ordinaires des communautés à celle des sommes allouées aux écoles de garçons.
Dans le diocèse de Narbonne, l'école est une institution ancienne dans les plus gros villages. A l'exception des Corbières, montagnes pauvres, elle s'implante rapidement dans les communautés moins importantes, après 1720. Grâce à la copie de la liste des régents en poste dans une soixantaine de paroisses, laissée par un archiviste méticuleux, nous connaissons le nom des maîtres successifs et la durée de leurs fonctions entre 1729 et la Révolution. Précieuses indications qui rendent possible l'approche statistique d'une situation scolaire.
Si l'on désigne ainsi chaque période pendant laquelle un même régent a exercé l'enseignement élémentaire dans une même communauté, la régence devient l'objet d'observation privilégié, ou plutôt la succession des régences telle qu'elle peut être reconstituée.
Il apparaît tout d'abord que les périodes courtes, moins de cinq années, et même très courtes, une année seulement, dominent, quelles que soient les communautés considérées. Certes les plus riches, qui sont aussi les plus peuplées, se distinguent des moins favorisées. Elles sont les seules ou presque à accueillir des maîtres pour des périodes de très longue durée, plusieurs dizaines d'années dans certains cas. Mais cette stabilité, si elle ne concerne pas les plus pauvres, n'est pas induite absolument par une relative richesse comme le montre l'alternance des régences dans douze communautés du diocèse. Des trois plus riches, Bize est la seule à présenter une grande stabilité scolaire, alors qu'Ouveillan et Ginestas connaissent un renouvellement rapide de leur personnel. Argelliers et Saint-Nazaire, villages moyens, offrent eux aussi un contraste saisissant.
Bien que nous soyons en pays "scolarisé", de courtes interruptions restent assez fréquentes, comme pour nous rappeler que l'institution est bien ancrée mais fragile et ne résiste que difficilement à un événement imprévu ou dramatique, tel que la perte de la récolte ou un conflit violent. Récupérer pour une année ou deux l'imposition normalement destinée à financer l'école est une tentation à laquelle il est difficile de résister en période de crise. L'enseignement ne disparaît pas dans tous les cas : le presbytère ou une école voisine peuvent offrir une solution provisoire. L'autre fait remarquable est le retour périodique d'un même régent dans des communautés où il semble avoir ses habitudes :
"Quelques communes, en petit nombre, gardaient longtemps leur régent. Mais le plus grand nombre changeaient très souvent de maître d'école. Quelquefois une commune employait jusqu'à trois ou quatre régents en une année ; dans ces circonstances, le curé se chargeait de la régence jusqu'à la prochaine fête de là Saint-Jean. Faut-il pour cela tirer cette conséquence que le personnel des régents était très nombreux ? Nous ne le pensons pas. Les mille titulaires qui ont rempli les postes de régent dans les diverses communes du diocèse pendant le XVe siècle se réduisent à moins de cinq cents, si on considère que la même personne dans sa vie souvent longue de maître d'école a rempli ses fonctions dans plusieurs communes. En parcourant cette longue liste de régents, on verra souvent figurer les mêmes noms semblables au Juif errant de la légende (ils) vont de village en village porter à de nouveaux écoliers les éléments de leur science pédagogique. Pendant trois quarts de siècle, environ quarante régents ont occupé 261 postes, plus du quart du total général"
.L'observation est juste, bien que les chiffres soient approximatifs. Quant à l'assimilation du régent au Juif errant allant de village en village, c'est un lieu commun dans l'histoire de l'école telle qu'on l'écrivait à la fin du 19e siècle. Il néglige deux faits majeurs dans notre exemple : le grand nombre de régents occasionnels qui exercent quelque temps puis disparaissent à jamais et l'incertitude quant au profil de ces "errants" que l'on crédite ou débite sans preuve d'une "science pédagogique".
La logique d'une approche statistique doit toutefois être poussée jusqu'à son terme. Si la "spécialisation" est retenue comme principe pertinent de classification des personnels observés, nos sources nous permettent de la déterminer suivant deux critères. Le premier est lié à la durée de la régence, en admettant que plus elle est longue, plus celui qui l'exerce se spécialise. Le second critère est constitué par le nombre de communautés visitées, en admettant que la mobilité qualifie aussi le spécialiste. La patiente reconstitution des carrières de cinq cent trente-sept individus ayant exercé dans soixante-neuf communautés différentes entre 1729 et 1789 nous autorise à tenter un classement significatif.
Dans les rangs des "spécialistes" prennent place des régents stables ayant exercé pendant plus de cinq années en un même lieu. Les régents très mobiles les y rejoignent selon nos critères ; ils ont exercé dans au moins trois villages différents. Des régents mobiles alliant durée et mobilité sont aussi qualifiés ; ils ont exercé pendant plus de cinq années, en deux ou trois fois, en un même lieu ou en des lieux différents.
Les "occasionnels" sont définis par l'absence de ces conditions, qu'ils soient des maîtres provisoires, disparaissant des archives après quelques mois, au bout de deux années tout au plus, ou bien des régents temporaires, ayant exercé pendant cinq années au maximum en un ou deux lieux. Le tableau ainsi obtenu bouscule l'image traditionnelle du maître d'école itinérant.
Toutes catégories confondues, les régents "spécialisés" représentent à peine un peu plus du quart des individus, les "errants" correspondant à quinze régents sur cent seulement. Prenons garde toutefois à l'illusion statistique : si les spécialistes ne représentent que le quart des effectifs, ils ont exercé pendant les trois quarts des années scolaires. Un enfant du Narbonnais avait donc, théoriquement, sept chances sur dix d'apprendre à lire et à écrire sous la férule d'un maître d'école "professionnel" même s'il avait aussi de fortes chances d'en connaître plusieurs, et parmi eux, nombre d'occasionnels.
Les spécialistes, par définition, sont les seuls à accomplir de longues carrières, les régents très mobiles s'attribuant la majorité d'entre elles (59 % de l'ensemble des 41 carrières de 2 à 20 ans et des 29 carrières de plus de 20 ans, contre 18 % pour les régents mobiles et 23 % pour les régents stables). Mais ils prennent aussi leur part des périodes très brèves qui ne sont nullement réservées aux régents provisoires : sur 438 régences de 1 an ou moins, 42 % sont exercées par des régents provisoires, 14 % par des régents temporaires, 5 % par des régents mobiles et 39 % par des régents très mobiles. Le recrutement provisoire ou de courte durée fait donc partie intégrante de ce système scolaire, tout comme la rotation des régents et l'alternance des "spécialistes" et des "occasionnels".
Amitiés de Normandie.
Suzanne.
Aliénor- Je suis accro au forum
- Localisation : Normandie
additif REGENT D'ECOLE - sources
Bonjour,
J'ajoute mes sources :
Google : LES SAISONNIERS DE L'ECRITURE
Régents des petites écoles en Languedoc
au XVIIIe siècle
par Dominique BLANC
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
LISST - Centre d'Anthropologie Sociale - Toulouse
J'ajoute mes sources :
Google : LES SAISONNIERS DE L'ECRITURE
Régents des petites écoles en Languedoc
au XVIIIe siècle
par Dominique BLANC
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
LISST - Centre d'Anthropologie Sociale - Toulouse
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- Localisation : Normandie
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